Vu : Seven Sisters

seven sisters

Bonjour, bonjour !

Mercredi dernier, au cinéma, je suis allé voir Seven Sisters de Tommy Wirkola et c’est pas mal, mais je trouve qu’on est loin de ce que ça aurait pu être.

Bon, au cas où vous ne le saviez pas, Seven Sisters se passe dans un futur où, pour lutter contre la surpopulation, une politique d’enfant unique a été mise en place et la répression est plutôt sévère : les enfants en trop sont directement retirés des familles concernées et placés en cryogénisation le temps que la situation s’améliore. Et dans cet univers, on suit donc sept sœurs parfaitement jumelles qui se cachent des autorités pour éviter de subir le même sort et d’être placées en cryogénisation. Elles s’appellent Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi, Vendredi, Samedi et Dimanche et, pour conserver leur existence secrète, elles ne sortent jamais qu’un seul jour de la semaine, en fonction de leur prénom, et se font alors passer pour la même personne « Karen Settman ». Tout se passe plus ou moins bien malgré les circonstances, jusqu’au jour où Lundi ne rentre pas. A partir de là, les six autres sœurs vont commencer à s’inquiéter et vont enquêter pour savoir ce qu’il lui est arrivé et ainsi risquer d’être découvertes et poursuivies par les autorités.

Le principe du film est un peu tiré par les cheveux si vous voulez mon avis, mais en terme de narration, rien à redire : un ensemble de personnages qui doivent à tout prix conserver leur secret, mais qui ne peuvent pas faire autrement que de risquer de l’exposer. Forcément, dès le départ, ça tient en haleine.

Malgré tout, cela pose naturellement quelques problèmes en termes de réalisation. Il s’agit de présenter sept personnages qui se ressemblent en tout point physiquement, mais qui sont en réalité sept personnes différentes. Evidemment, on est pas allé chercher une famille de sept sœurs parfaitement identiques, parce que je crois bien que ça n’existe pas du tout. Du coup, c’est une seule et même actrice qui se charge d’incarner tous les rôles à l’écran. Ce qui revient à un grand défi pour le réalisateur : comment montrer sept personnes à l’écran, alors qu’elles sont toutes jouées par une seule.

Et déjà, le film pêche à ce niveau-là, j’en ai bien peur.

Techniquement, c’est assez bien fait, vous n’aurez jamais l’impression que l’une des sœurs a été rajoutée ou même de voir une doublure à l’écran. Mais clairement, le réalisateur a plus souvent fait le choix de la facilité qu’autre chose : il enchaîne les gros plans sur le visage de Noomi Rapace plutôt que de chercher à nous baigner dans son univers, précisément en les montrant évoluer sur le même plan. Et finalement, c’est plus le montage qu’autre chose qui permet de faire passer la pilule, un montage qui devient finalement un peu lourd au bout d’un moment. Et de fait, ça ne nous permet pas d’y croire complètement, du moins pas autant que si les plans avaient réellement été étudiés pour nous montrer les sept sœurs ensemble.

Mais surtout, le problème c’est que Noomi Rapace n’est pas du tout au niveau. Alors attention, je ne suis pas en train de dire que c’est une mauvaise actrice, mais c’est juste que là, il fallait aller dans un registre bien supérieur à ce qu’elle propose. Malheureusement, elle joue les sept personnages de manière à peu près similaire, et à part une ou deux sœurs qui sortent un peu du lot, vous les reconnaîtrez surtout grâce à leurs vêtements et coiffures.

C’est d’autant plus dommage que cette année, James McAvoy a déjà prouvé qu’il était parfaitement capable de faire ça dans Split et donc que c’était tout à fait possible. Mais là, vraiment, Noomi Rapace ne m’a pas convaincu du tout. Il fallait prendre quelqu’un qui avait un registre beaucoup plus grand.

Ensuite, je veux noter une petite série d’incohérences un peu gênante. Je ne vais pas vous révéler les détails, mais en gros, la police tire un peu sur tout le monde sans raison dans ce film. Et apparemment, abattre des gens en pleine rue est devenu parfaitement normal. Autre problème, la personne qui s’occupe de faire respecter la loi de l’enfant unique… n’est pas membre du gouvernement ? En gros, au bout d’un moment, on se rend compte que c’est une agence privée… ce qui est vraiment très étrange… Et enfin, les sœurs n’arrêtent pas de répéter qu’elles vont révéler la vérité sur cette fameuse personne, afin que tout le monde voit enfin ce qu’elle fait aux enfants. Sauf que le principe du film, c’est justement que tout le monde le sait et vit avec. Du coup, on ne comprend pas bien pourquoi elles disent ça.

Et puis, à ces quelques problèmes s’ajoute le fait que ce film a fait toute sa promotion sur le fait que sa fin était surprenante, alors que très honnêtement, pas du tout.

Bon, il faut que vous me disiez, est-ce que c’est moi qui regarde trop de films ou est-ce qu’on a réellement perdu l’art de faire des twists de fin brillants ? Ça fait plusieurs films que je vois et que je me dis : bah oui, c’était évident, je l’avais prévu depuis 40 minutes au moins, pourquoi on en fait tout un plat ? Et je trouve ça très agaçant. Là, de manière très rapprochée, il y a eu Atomic Blonde qui se plantait complètement en essayant de nous faire le même coup, et ce ne sont pas des cas isolés malheureusement.

Alors, fondamentalement, qu’est-ce qui fait un bon twist de fin ?

Bon, déjà, faire sa promo dessus est une très mauvaise idée : ça pousse tout de suite le spectateur à spéculer alors qu’il ne l’aurait peut-être pas fait sinon.

Ensuite, si je compare ce twist au twist de L’Empire Contrattaque, le fameux « Je suis ton père », il  y a une différence flagrante. Le twist de Seven Sisters a été conçu comme celui d’Atomic Blonde : on dit qu’il y a un mystère, un secret à dévoiler, puis on vous le dévoile. En gros, dans Seven Sisters, les sœurs se demandent pourquoi il leur arrive tout ça, qui est responsable de leur malheur. Et du coup, on s’attend naturellement à recevoir une réponse à cette question.

Mais lorsque Darth Vader dit : « Je suis ton père » ; la révélation est beaucoup plus choquante parce qu’on ne s’attend pas à une révélation justement. Jusque-là, l’histoire se déroulait normalement, c’était un récit d’aventure où Luke devait aller sauver ses amis et combattre le mal ; la révélation lui tombait dessus.

Plus encore, jusqu’au twist,  Star Wars vous disait : Darth Vader est méchant parce qu’il a tué le père de Luke (entre autres choses). La révélation vient complètement renverser cette vérité, chambouler toutes vos croyances. Et c’est pour ça que ça marche à ce point, contrairement à Seven Sisters ou à Atomic Blonde qui ne nous donnent aucune vérité avant de la renverser complètement : l’espace de réflexion quant à l’identité du « méchant » est dans les deux cas totalement vide et donc ouvert à la spéculation et aux théories les plus folles. Dans le cas de Star Wars, au contraire, l’espace est plein d’une croyance fausse et c’est cela qui fait que la révélation est si surprenante : puisqu’on croyait avoir déjà la réponse, on est soudain pris de court.

Un bon twist de ce genre doit jouer avec le langage cinématographique ou littéraire pour fonctionner. Quand on raconte une histoire, on fait toujours appel à des codes précis, un langage particulier, même lorsqu’on n’en a pas conscience. C’est parce que le spectateur s’attend à ce que l’on respecte ces codes et ce langage qu’il est surpris lorsqu’on les renverse avec son twist.

Dans L’Empire Contrattaque, le langage, les codes employés, nous pousse à croire qu’il s’agit d’une simple lutte du bien contre le mal, où un héros doit l’emporter contre un antagoniste redoutable. On a vu cet antagoniste tendre un piège au héros et le héros sait qu’on essaie de lui tendre un piège. La question est donc de savoir s’il parviendra à y échapper ou non. Tout cela est alors étudié pour que le spectateur soit persuadé que l’enjeu du film soit de savoir si Luke va s’en sortir ou non. Il ne s’attend donc pas du tout à ce qu’une révélation ait lieu et c’est ça qui la rend si surprenante.

Mais en réalité, ce twist joue aussi avec un autre code très spécifique à la narration : celui qui veut que tout ce que les personnages disent est la vérité. Alors attention, il arrive bien entendu que des personnages mentent, ce n’est pas la question. Mais le fait est que, le plus souvent, lorsqu’un personnage ment, on le sait, c’est clairement dit, clairement suggéré. Et pour le reste, c’est la vérité.

Vous n’avez pas remarqué que peu importe ce qu’un personnage dit, gentil ou mauvais, vous avez immédiatement tendance à prendre l’information pour une vérité absolue ? Je vous jure, réfléchissez-y, prenez le temps de revoir certains films et vous comprendrez. Dans Alien, le moment où Ripley découvre que Ash les a doublés, elle ne remet pas en question ce que lui dit l’ordinateur et Ash ne cherche même pas à cacher son geste ou à renier l’information par exemple ! Et personne jamais ne s’interroge sur l’aspect véritable du discours du grand méchant lorsqu’il explique ses états d’âme. Ne cherchez pas : dès qu’un personnage dit quelque chose, à moins qu’il soit clairement suggéré que c’est un mensonge, vous y croyez, c’est plus fort que vous.

Et c’est une nécessité absolue quand on y pense. Les dialogues sont bien souvent le seul moyen de transmettre des informations au spectateur, de faire comprendre les tenants et les aboutissants de l’univers. C’est d’autant plus vrai lorsque l’on a affaire à des univers étranges, qui ont leurs propres règles. Il faut alors les assimiler et non les questionner. Du coup, oui, il faut qu’on puisse croire à tout ce que disent les personnages, sinon, on est complètement perdu.

Dans Star Wars, Obiwan vous a dit que Darth Vader avait tué le père de Luke, et vous l’avez cru, naturellement. Vous n’aviez aucune raison de douter du personnage qui occupe le rôle de mentor, précisément celui qui est censé détenir les réponses, la sagesse, la vérité. Ainsi, on a joué sur ce code particulier pour vous surprendre.

Et c’est comme ça que doit fonctionner un bon twist : vous devez jouer sur les codes. Vous devez construire tout le récit qui précède afin d’emmener votre public dans une direction particulière, utiliser le langage auquel il est habitué contre lui, pour qu’il croit entrevoir la finalité de votre histoire. Et alors seulement, une fois que tout a été mis en place, vous devez frapper avec votre révélation.

Atomic Blonde et Seven Sisters font tout le contraire : ces films utilisent justement tout le langage cinématographique pour nous préparer à une révélation finale. Résultat, cette révélation est attendue et, pire que ça, on a souvent eu le temps de s’en faire sa propre idée. Et si, comme moi, on connaît un peu trop bien les codes justement, la révélation devient évidente.

Cela-dit attention, je ne veux pas non plus dire que mettre un twist dans son récit ne répond pas à un certain code en soi. En réalité, il y a des règles strictes à respecter pour que tout ne soit pas chamboulé. Et la première, c’est de préparer malgré tout le twist : juste qu’il ne faut construire son histoire dans ce sens.

Et préparer le twist c’est quoi ? C’est tout simplement glisser des petits détails, des éléments qui font qu’une fois la révélation faite, on ne peut que se dire : oui, ça tient debout.

C’est en partie pour ça que je déteste le film Premier Contact. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’un grand nombre de personnes ont été proprement choqué par le twist du film : comme pour n’importe quel bon twist, il utilisait les codes de la narration pour nous mené dans la mauvaise direction et mieux nous surprendre ensuite. Le problème cependant, est que le twist n’était pas du tout préparé en amont. Ou plutôt, si, il l’était. Mais les choses n’étaient pas présentées de telle manière que le twist pouvait faire sens par rapport à ce qui avait été dit avant.

Dans Premier Contact, aucune des scènes précédant le twist ne laissait passer le moindre indice sur le twist en lui-même et ce qui y était révélé. Il n’y avait pas la moindre « anomalie » qui aurait pu laisser penser qu’on ne savait pas encore tout. Résultat, le spectateur avait la certitude que l’histoire était ainsi et ne pouvait être autrement. Le twist n’a alors pas apporté un éclaircissement sur ce qui avait été dit : il a purement et simplement révélé que tout ce à quoi on avait cru était un pur mensonge.

En termes de plaisir et de surprise, pour votre cerveau, l’effet est exactement le même et c’est pour ça que ce twist a eu autant d’effet. Mais le véritable problème, c’est que, contrairement à Star Wars, ce n’est pas un personnage qui vous a menti, c’est le film lui-même. Et si le film ment, il n’a aucun intérêt.

C’est pour ça qu’il faut préparer le twist en glissant quelques indices, quelques éléments qui, une fois la révélation faite, prennent tout leur sens. Dans L’Empire Contrattaque, Yoda ne cesse de répéter que le côté obscur de la Force corrompt, d’ailleurs Obiwan a déjà dit que Darth Vader était quelqu’un de bien avant de devenir méchant. Il y a aussi une scène dans la grotte où Luke affronte un faux Darth Vader et réalise que c’était lui sous le masque, indiquant ainsi qu’il peut éventuellement mal tourner s’il ne prend pas garde. Et Yoda le prévient, quand il part, qu’il n’est pas prêt et qu’il risque d’être séduit par le côté obscur. Bref, il y a mille indices qui indiquent clairement qu’il est tout à fait possible que quelqu’un que l’on croit gentil devienne méchant… Ce qui induit donc tout à fait qu’un méchant a pu être gentil à un moment donné de l’histoire. Et donc, que Darth Vader soit le père de Luke fait totalement sens dans l’univers du film.

Et pour en revenir à Seven Sisters, le fait est que ces indices ont correctement été glissés tout le long du film. Sauf que, combiné au fait que le récit nous pousse à attendre une révélation finale, ça fait que la fin devient très prévisible. Mais au moins, contrairement à Atomic Blonde, ça ne créée pas des incohérences à ce niveau-là.

Un autre problème avec « Seven Sisters », c’est que le film ne nous permet pas vraiment de nous attacher réellement à chacune des sœurs. Je ne sais pas si c’est qu’il est trop court ou si ça tient au fait que leur personnalité n’est pas assez mise en scène, ou au fait que Noomi Rapace n’arrive pas assez à les différencier les unes des autres dans son jeu, mais le résultat est là : à part une ou deux, difficile de réellement s’attacher complètement à elles. D’autant que le film n’hésite pas à faire certaines choses qui n’aident pas vraiment à prendre le temps de bien les connaître.

Mais plus encore, j’ai l’impression qu’en termes d’écriture, les sept sœurs sont presque traitées comme un seul et même personnage disposant de sept corps. Elles ont toutes exactement le même objectif, les mêmes intentions et globalement la même façon de le traiter. C’est juste que chacun a des spécificités qui permettent de faire des choses particulières. Et lorsque l’une des sœurs vient à disparaître, ce n’est pas tant le personnage que l’on perd, son projet, ses intentions, mais ses capacités spéciales.

Une bonne équipe de bons personnages, c’est plus souvent des groupes de personnes différentes, avec des passés et des objectifs finaux différents, mais qui s’engagent tous dans une quête commune. Là, les personnages principaux ne sont malheureusement pas assez différenciés les uns des autres.

Et pourtant, Seven Sisters n’est pas réellement mauvais ! Malgré ces énormes défauts, il s’avère que c’est un film intelligent par bien des aspects, qui traite plutôt bien son sujet, avec quelques fulgurances dans l’émotion qui ne vous laisseront sûrement pas indifférents. Plus encore : il y a beaucoup d’humanité, de profondeur dans les choix des personnages, ce qui contribue beaucoup à rendre l’ensemble assez touchant. Et l’aspect thriller est bien rendu, les scènes de tensions sont plutôt captivantes. Mais globalement, en cherchant à faire un twist final, le film s’est vraiment perdu et c’est dommage.

Après, je veux m’arrêter sur la morale du film, qui est malheureusement trop ambiguë. Le film semblerait presque défendre l’idée qu’il faut éliminer les enfants « en trop ». C’est un peu délicat tout de même…

Alors finalement, est-ce que je vous conseille d’aller voir le film ? Non, pas vraiment. Il y a beaucoup de bonnes choses, mais pas assez pour rattraper ses énormes erreurs, je le crains.

 

PS : Non mais comment ça, la nana est menacée de la peine de mort ? Toute l’histoire se passe dans le futur de l’Union Européenne et pour rappel, l’un des principes fondamentaux de cette Union est justement le rejet de la peine de mort bordel ! Respectez un peu la base ! Roh !

Une réflexion sur “Vu : Seven Sisters

  1. Pingback: TOP 10 DES MEILLEURS FILMS DE 2017 | Story Teller

Laisser un commentaire